Ses yeux n'ont pas cillé quand la flèche a effleuré sa joue.
Ses oreilles ont entendu les grondements du canon, les mots d'amours murmurés.
Sa peau moirée a connu la fournaise de l'été, la froidure de l'hiver.
Ses sabots ont tracé de nouveaux chemins sur des terres inexplorées.
Son cœur a battu plus vite, au rythme des désirs de son maître.
D'une infatigable vigueur il n'a reculé devant aucune exigence.
Il a partagé les rêves et les espoirs des hommes de fer,
tandis qu'à ses pieds glorieux se couchaient les nations conquises.
Il vit toujours.
Demande et il jettera un sort pour éclairer les ténèbres de ton âme,
tissant autour de toi une résille de légers délices.
Il sera le compagnon de jeu de tes enfants, enfant lui-même il ne fera pas de mal.
Il te pardonnera comme nul autre tes oublis, tes erreurs, ta brusquerie.
Son dos, un trône de plume, te portera en douceur au trot et au galop.
Il ira là où d'autres n'osent pas aller, il ne faiblira pas là où d'autres s'enfuient terrifiés.
Tu découvriras que la pirouette est facile, que le reculé peut durer des siècles,
qu'il ne faut pas être grand cavalier pour que s'élèvent des mélodies au-dessus de la terre.
Au léger toucher de l'éperon il s'envolera avec le vent
et te portera sans danger dans l'air chargé de parfums oubliés.
Avec lui la lointaine montagne sera plus proche, plus brillante la clarté des étoiles,
plus joyeux le chant du rossignol, plus doux le glouglou des rivières.
Et enfin tu comprendras : il fut de tout temps le cheval des rois.
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Juan Llamas Perdigo